La BX 4 TC : Chronique d’une mésaventure

par J-F. Pierre

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1984, la BX est en pleine maturité commerciale. Lancée en 1982, elle rencontre un vif succès qui a conduit la direction de Citroën et le directeur du service Compétitions, Guy Verrier a opté sur ce modèle - après beaucoup d’hésitations -pour en extrapoler une groupe B dans la continuité du succès rencontré avec la Visa 1000 Pistes. Le choix parait évident : contrairement aux acteurs déjà en place qui vont dès le départ concevoir une véritable voiture de course (Peugeot 205 T16, Lancia Delta S4, Ford RS 1, Austin Rover Metro 6R4 construites sur une structure tubulaire) , l’utilisation de la coque de série de la BX permettra de respecter un budget bien inférieur et de faciliter la construction et la commercialisation des 200 exemplaires requis par l’homologation (Série 200).
Un premier prototype est exposé au Salon de Paris, mais le délai imparti très court et l’hésitation entre des versions différentes ne permettra pas d’être prêt pour l’objectif initial, la saison 1985.

Une nouvelle année sera nécessaire pour finir de concevoir, industrialiser et fabriquer la Série 200, construire et faire homologuer au 1er janvier 1986 les 20 modèles de course (appelés Evolution) qui en seront dérivés.
Voulant se différencier de Peugeot qui a retenu le moteur 1,9 l XU avec turbo pour la 205 T16, Guy Verrier choisit l’autre moteur disponible chez PSA et équipant alors la 505 Turbo : conçu initialement par Simca Chrysler en 1970, c’est un moteur à l’époque encore performant et fiable. On l’a même vu utilisé en formule 2 et en course de Super Productions. Son encombrement contraint de le mettre en position longitudinale, ce qui en augmentant le porte à faux de la voiture constituera le principal défaut de la voiture, à savoir son déséquilibre.

La puissance développée sur la Série 200 sera de 200 ch, le préparateur Mathiot ayant lui l’objectif de sortir 380 ch de la version Evolution.
Comme pour la Peugeot 205 T16, la boîte de vitesses retenue est celle de la SM, la seule au sein de PSA à même de passer un couple et une puissance élevés. C’est également D. Mathiot qui a en charge la réalisation d’un boîtier transfert pour entraîner le pont arrière (d’origine lui Peugeot 505). Le budget étant limité, l’engagement se fera par crabotage et ce ne sera pas un 4x4 permanent qui sera retenu (contrairement aux autres groupes B bénéficiant d’un système beaucoup plus sophistiqué).
Pour terminer le tour d’horizon technique, la voiture reçoit le circuit hydraulique typiquement Citroën avec la suspension hydropneumatique (ce sera la dernière Citroën de compétition à en être équipée), mais avec des triangles de suspension dignes d’une voiture de course. La direction est la Diravi de la CX (un atout pour les rallyes sur terre, car elle est complètement insensible aux efforts transmis par les roues), et les freins à disques ventilés assistés par haute pression reçoivent les beaux étriers à 4 pistons de la CX GTI Turbo. Tout cela constitue un cocktail qui peut étonner, mais finalement cohérent, si la voiture ne s’était pas retrouvée avec tant de poids sur l’essieu avant.
La fabrication de la Série 200 aura lieu chez Heuliez, qui a développé une spécialisation dans ces séries limitées. Le carrossier reçoit les coques de BX de l’usine de Rennes et procède à leur transformation sur une chaîne de ferrage avant de procéder au montage des véhicules.
Les 20 modèles de course seront eux assemblés par le Service Citroën Compétitions à Trappes.
La Série 200 est donnée en performances pour plus de 220 km/h et le km départ arrêté en 27,5 s’’. Sans doute mal rodés, les modèles essayés par la presse ne confirmeront pas ces performances (en moyenne 210 km/h et le km d.a en 28 s’’). Les essais réalisés par la presse sont critiques et soulignent le côté « meccano » et le manque de mise au point du véhicule. Cela ne favorisera pas leur commercialisation, d’autant plus que les débuts en course du modèle Evolution sont difficiles : 3 mois à peine après sa présentation à la presse, il est aligné au rallye de Monte Carlo piloté par J.C Andruet (photo ci-dessous) et P. Wambergue, où les deux voiture abandonnent assez vite.


Un peu plus tard a lieu le rallye de Suède : sur la neige la BX 4TC retrouve un certain équilibre et Andruet termine 6ème. Guy Verrier décide de faire l’impasse sur le rallye du Portugal, le Safary Rally et le Tour de Corse, pour se concentrer sur la mise au point de la voiture. Malgré ses 380 ch, sa taille et son poids (1150kg) représentent un véritable handicap. C’est au rallye de l’Acropole qu’a lieu le retour, mais malheureusement des berceaux arrière allégés et non testés provoqueront l’abandon des voitures par ailleurs très rapides en épreuves spéciales. Peu après Citroën anticipe sur la décision de la FIA d’arrêter les groupes B en fin de saison pour jeter l’éponge et stoppe l’engagement de la BX 4TC en compétition. Un échec cuisant, à relativiser cependant par les progrès que la voiture montrait à chaque engagement en compétition et par les très bonnes performances de Chauche et Tabatoni simultanément dans le championnat de France des rallyes sur terre. Leurs BX 4 TC étaient toujours en lutte pour la 1ère place face à la 205 T16 semi-officielle de Ballet quand elles ont eu à abandonner sur panne mécanique.
Cet échec sportif rend de plus en plus difficile la commercialisation de la série 200, dont le manque de mise au point est de notoriété publique. Début 1987, Citroën se résout à réduire le prix de vente de 40% !


Cela ne suffira pas, et seulement 85 BX 4 TC Série 200 seront commercialisées ou données, les autres exemplaires seront détruits sous contrôle d’huissier. La plupart des modèles Evolution seront également ferraillés. A notre connaissance il n’en reste plus que 5 sur les 20, alors qu’une quarantaine de BX 4TC Série 200 reste recensée entre les mains de collectionneurs à travers le monde.


Fin d’une mésaventure …. Mais ceux qui connaissent le véhicule savent qu’avec un peu plus de temps et de moyens, la BX 4TC aurait pu jouer un rôle très honorable d’outsider en championnat du monde des rallyes. Son réel handicap fut d’être la dernière groupe B tirée d’une voiture de tourisme, face à la concurrence qui avait développé en 1986 de véritables voitures de course.

Caractéristiques Techniques


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